Depuis la mort du grand-duc, Goethe n’avait vu personne de la famille du prince. Il avait été, il est vrai, en correspondance constante avec la grande-duchesse, et ils s’étaient à coup sûr suffisamment étendus sur la perte qu’ils venaient de faire. Mais il allait pour la première fois la revoir elle-même, et cette entrevue, qui ne pouvait se passer sans amener des deux côtés des retours douloureux sur le passé, devait être attendue avec un peu d’appréhension. — Goethe n’avait pas encore vu non plus les enfants du grand-duc, et n’avait pas été présenter ses hommages à ses nouveaux souverains. Il pensait à tout cela, et quoique pour l’homme du monde accompli ces devoirs ne fussent pas embarrassants, ils étaient une gêne pour le poète, qui aurait toujours désiré ne suivre que sa vraie direction et se livrer tout entier au seul genre d’activité pour lequel il était né. — D’autres visites encore le menaçaient. La réunion des naturalistes célèbres à Berlin avait mis en mouvement beaucoup d’hommes remarquables ; la plupart de ceux qui traversaient Weimar avaient annoncé leur visite et on attendait leur arrivée. Ces dérangements qui, devant durer des semaines entières, étaient si bien faits pour paralyser les pensées intimes et les détourner de leur voie accoutumée ; les embarras que devaient amener ces visites d’ailleurs si dignes d’être accueillies, c’étaient là autant de préoccupations qui durent se présenter à Goethe comme de vilains spectres, dès qu’il mit le pied sur le seuil de sa maison et qu’il pénétra dans son appartement. — Mais ce qui lui pesait encore plus que tous ces ennuis tenait à un fait que je ne dois pas oublier. La cinquième livraison de ses œuvres, qui renferme les Années de voyage de Wilhelm Meister, doit s’imprimer à Noël. Ce