Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/419

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vie ont séparés. — Ces poésies, tout en n’ayant rien d’étranger, nous ont surpris. Nous reconnaissons avec plaisir à M. Manzoni un vrai talent poétique. Les sujets qu’il a traités étaient connus de tous, mais la manière dont il les conçoit et les traite les rend neufs et personnels. Ces quatre hymnes, qui ne remplissent pas plus de trente et quelques pages, sont : la Résurrection, le fait fondamental de la religion chrétienne, la bonne nouvelle par excellence ; le Nom de Marie, par lequel l’ancienne Église a su rendre séduisantes toutes les traditions et toutes les doctrines ; la Nativité, aurore de toutes les espérances de la race humaine ; la Passion, sombre tableau de toutes les douleurs de la terre, auxquelles la divinité bienfaisante a voulu se soumettre un instant pour notre salut. — Ces quatre hymnes sont différentes par le sentiment, par le ton, par le mètre. La poésie en est partout très-aimable ; la naïveté en est le caractère saillant, mais il y a dans l’ensemble des idées, dans les comparaisons, dans les transitions une certaine hardiesse qui leur donne un accent particulier, et qui nous inspire le désir de les étudier toujours de plus près. L’auteur semble être un chrétien sans fausse exaltation, un catholique romain sans piété étroite, un zélé défenseur de sa foi sans intolérance ; cependant il ne peut échapper tout à fait à l’esprit de prosélytisme ; c’est aux enfants d’Israël qu’il s’adresse, leur rappelant sans colère que Marie est sortie de leur race : devraient ils refuser leurs hommages à cette reine qui voit le monde entier à ses pieds ?…

Ces poésies montrent qu’un sujet peut avoir été traité aussi souvent qu’on le voudra, et qu’un idiome peut avoir été manié pendant des siècles, sans que tous deux cessent de sembler jeunes et frais, toutes les fois qu’un esprit ayant jeunesse et fraîcheur s’en emparera et saura les mettre en œuvre.


IL CONTE DI CARMAGNOLA.
Tragedia di Alessandro Manzoni. — Milano, 1820.

Nous avons déjà parlé de cette tragédie ; elle mérite de toute façon un examen détaillé.

Au début de sa préface, l’auteur exprime le désir qu’on ne le juge pas avec des règles tirées d’autres œuvres. Nous som-