Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vol de sa pensée ; les grandes vues qui vivent en lui s’échappent toujours sans restrictions, sans vaines considérations. — C’était là un vrai homme ! et c’est ainsi que l’on devrait être ! Mais nous autres, nous avons toujours quelque chose qui nous arrête ; les personnes, les objets qui nous entourent exercent sur nous leur influence ; la cuiller à thé nous gêne, si elle est d’or, et que nous croyions la trouver d’argent, et c’est ainsi que paralysés par mille considérations, nous n’arrivons pas à exprimer librement ce qu’il y a peut-être de grand en nous-même. Nous sommes les esclaves des choses extérieures, et nous paraissons grands ou petits, suivant qu’elles diminuent ou élargissent devant nous l’espace ! »

Gœthe se tut, la conversation changea, mais moi je gardai dans mon cœur ces paroles qui exprimaient mes convictions intimes.

* Vendredi, 26 septembre 1828.

Goethe m’a montré aujourd’hui sa riche collection de fossiles, placée dans le pavillon du jardin de sa maison de campagne. C’est lui-même qui l’a rangée, elle a été très-augmentée par son fils, et elle est surtout intéressante par une riche suite d’os pétrifiés qui tous ont été trouvés dans les environs de Weimar.

Mercredi, 1er octobre 1828.

M. Hœnninghausen, de Crefeld, chef d’une grande maison de commerce, et en même temps amateur des sciences naturelles, et surtout de minéralogie, était aujourd’hui à dîner chez Goethe. C’est un homme à qui ses grands voyages et ses études ont donné des connaissances très-variées ; il revenait de l’assemblée des naturalistes