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de Berlin, on causa de tous les sujets qui y avaient été agités, et surtout de minéralogie. En parlant des Vulcaniens et de la manière dont les hommes arrivent à leurs hypothèses et à leurs vues sur la nature, on prononça le nom du grand naturaliste Aristote, et Goethe dit :

« Aristote a vu la nature mieux que pas un moderne, mais il adoptait ses opinions trop vite. — Il faut avec la nature procéder doucement, lentement, si l’on veut gagner quelque chose sur elle. Lorsque, dans mes recherches d’histoire naturelle, il me venait une idée, je n’exigeais pas que la nature me donnât immédiatement raison ; non, je continuais à observer, j’expérimentais, et j’étais content si elle voulait bien de temps en temps se montrer assez bonne pour confirmer mon idée théorique. Lorsqu’elle la contredisait, elle me conduisait parfois à un autre aperçu dont elle était peut-être plus disposée à prouver la justesse, et que j’étudiais, en marchant toujours derrière elle. »

Vendredi, 5 octobre 1828.

Aujourd’hui, à dîner, j’ai causé avec Goethe de la Guerre des Chanteurs de la Wartburg[1] par Fouqué, poëme que j’ai lu d’après son désir. Nous convînmes tous deux que ce poëte, après avoir pendant toute sa vie étudié l’Allemagne ancienne, n’avait à la fin tiré de là aucun profit pour lui-même.

« De cette ancienne et ténébreuse Allemagne, dit Goethe, il y a pour nous à tirer aussi peu que des chants serbes et des autres poésies barbares du même genre. On lit cela, on s’y intéresse bien un certain temps, mais seulement pour en avoir fini et pour le laisser de côté.

  1. Poëme publié en 1828.