Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/465

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semble en rien à celle qui nous venait jadis du nord-ouest ; elle est rude, âpre, pleine d’aspérités ; des relations de famille elles-mêmes sortent très-souvent les discordes et les haines ; — nous ne demandons pas que les lecteurs allemands et européens trouvent une jouissance pour leur cœur à ces peintures de mœurs si étranges et souvent si barbares, nous désirons seulement qu’ils osent faire une visite à ces peuplades, qu’ils parcourent leur pays sauvage, tel qu’il était il y a quelques centaines d’années ; ainsi s’enrichira leur imagination, ainsi leur jugement prendra plus de liberté et d’étendue.

Les traductions littérales, dont le nombre augmente dans notre langue, exciteront chaque jour davantage les étrangers à apprendre l’allemand. Notre langue devient la médiatrice de toutes les littératures, l’interprète universel, et elle renferme en elle tous les chefs-d’œuvre de tous les peuples. Nous pouvons donc en recommander l’étude sans nous faire accuser d’amour-propre. Les nations étrangères qui, il y a un demi-siècle, prononçaient sur nous des jugements si peu favorables et si superficiels, rendent maintenant hommage à nos services c12. Je ne veux en aucune façon, par ces paroles, disputer et contester à la langue française son universalité comme langue de la conversation et de la diplomatie ; c’est comme langue de la science que l’allemand doit peu à peu devenir aussi langue universelle.

Continuant les travaux de M. Grimm et de Mlle  de Jacob, M. Gerhard nous donne à son tour une traduction de Chants serbes. Ce ne sont plus des chants héroïques et des chants d’amour que nous trouvons ici, ce sont de vraies chansons, faites pour être chantées en chœur, en un mot des Vaudevilles ; tantôt le refrain se compose de certaines phrases répétées, tantôt ce sont de simples cris absolument dépourvus de sens qui ne retentissent bruyamment aux oreilles, que pour entraîner l’esprit dans une espèce de délire et d’ivresse. — Ce genre est échu en partage au Français sociable ; de tout temps il s’y est montré sans rivaux, et, de nos jours, il a produit Béranger ; ses chansons sont celles d’un maître, nous dirions que ce sont des modèles, si, pour que sa

    taines poésies de la Restauration (par exemple sur les Méditations). Il ne sentait plus que de l’éloignement pour tout ce qui lui rappelait Werther ou Ossian. Il a dit dans une de ses Pensées : « Si le poëte est malade, qu’il commence par se guérir. Quand il sera guéri, il écrira. »

Errata :

c12. texte corrigé, voir ERRATA, IIe volume