Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/48

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trouvez dans les tableaux de Walter Scott une sûreté et une richesse de dessin admirables dues à sa profonde connaissance du monde réel ; il l’avait peu à peu acquise par des études, par des observations prolongées pendant sa vie entière, et par des entretiens quotidiens sur les affaires les plus importantes. Ajoutez à cela sa grande habileté et l’étendue de son génie ! Vous rappelez-vous le critique anglais[1] qui compare les poètes avec les chanteurs, disant que les uns n’ont que quelques bonnes notes, tandis que les autres ont à leur service tous les sons, depuis les plus élevés jusqu’aux plus bas. C’est parmi ces derniers que se range Walter Scott. Dans la Jolie fille de Perth, vous ne trouvez pas un seul passage faible où vous sentiez que ses connaissances ou son talent aient été insuffisants. Il est toujours à la hauteur de toutes les parties de son sujet. Le roi, le frère du roi, le prince héréditaire, le chef de la religion, le noble, le magistrat, le bourgeois, l’artisan, le montagnard, tous sont dessinés d’une main aussi sûre, et saisis avec la même vérité. »

« — Les Anglais, dit madame de Goethe, aiment surtout le caractère de Henri Smith, et Walter Scott paraît avoir fait de lui le héros du livre. Ce n’est pas mon favori ; celui qui me plaît le mieux, c’est le prince. »

« — Le prince, dis-je, malgré sa brusquerie, reste encore digne d’être aimé, et il est aussi bien dessiné que pas un. »

« — Lorsqu’il est à cheval, dit Goethe, et qu’il élève sur son pied la jolie harpiste pour l’embrasser, voilà un trait de ce damné art anglais ! — Mais vous autres femmes, quand vous prenez ainsi parti, vous avez tort ;

  1. Carlyle.