Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/49

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vous ne lisez un livre que dans le désir d’y trouver un aliment pour votre cœur, un héros que vous puissiez aimer ! Ce n’est pas ainsi qu’il faut lire ; ce n’est pas un caractère qui doit vous plaire, c’est le livre. »

« Oui, nous autres femmes, voilà comme nous sommes, cher père ! dit Madame de Goethe en se penchant et en tendant la main à Goethe par-dessus la table pour la lui serrer. » — « Et il faut bien vous laisser avec vos qualités charmantes, » répondit Goethe.

Il prit alors le dernier numéro du Globe, qui était près de lui. Je causai pendant ce temps avec Madame de Goethe des jeunes Anglais dont j’avais fait la connaissance au théâtre.

« Quels hommes que ces Messieurs du Globe ! dit Goethe avec assez de feu ; on n’a pas d’idée comme chaque jour ils grandissent et prennent plus d’importance. Comme ils sont tous pénétrés d’un même esprit ! En Allemagne, un pareil journal serait purement et simplement impossible. Nous ne sommes tous que des individus isolés ; il ne faut pas penser à un pareil accord ; chacun a les opinions de sa province, de sa ville, de sa propre personne, et nous attendrons encore longtemps avant que l’Allemagne soit pénétrée par un même esprit général ! »

* Lundi, 6 octobre 1828.

J’ai dîné chez Goethe avec M. de Martius[1], qui est ici depuis quelques jours, et qui s’entretient avec Goethe de botanique. Ils parlent surtout de la tendance spiraloïde des plantes. M. de Martius a fait, sur ce sujet, des découvertes importantes ; il les a communiquées à Goethe, à

  1. Voyageur et naturaliste, aujourd’hui secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences de Munich.