Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/487

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le maintien, naturel et tranquille, exprime une certaine assurance et une conscience de soi-même qui n’ont rien d’exagéré ; les valeurs des tons du visage, tourné vers la droite, de l’uniforme sombre, du ruban d’ordre plus clair, des boites et du chapeau noirs, sont bien ménagées, et leur ensemble a beaucoup d’harmonie. Le chapeau, orné d’une touffe flamboyante de plumes, est tenu par la main droite, qui tombe le long du corps ; la main gauche saisit la poignée de l’épée attachée en arrière ; autour de la tête sont disposés, avec beaucoup de richesses, des ordres et des ornements militaires d’un bel effet. Tout est traité avec un goût parfait, et nous devons même louer le paysage, ou plutôt l’absence de paysage. La figure est supposée placée sur une hauteur très-élevée ; on aperçoit, derrière les pieds, quelques sommets éloignés ; sur le premier plan, on voit à peine un peu de terre et quelques plantes ; cependant, nous n’avons pas d’objection à faire à cette maigreur d’accessoires, car, de cette façon, le personnage ressort tout entier sur un fond de ciel et de nuages, comme si l’immensité des steppes devait nous rappeler l’empire sans bornes qu’il gouverne.



CHARLES X, ROI DE FRANCE.

Contraste extrêmement curieux. Ce souverain, d’une tournure noble et élégante, porte le costume de la cérémonie du couronnement. Le portrait rappelle donc un moment unique de l’existence. Les épaules et la poitrine de ce noble et élégant personnage sont chargées d’hermine, de passements, de croix, de chaînes et de plaques ; cependant la figure n’est pas écrasée par ces ornements, qui sont riches sans être lourds. Un magnifique manteau pend jusqu’à terre et forme de chaque côté, sur le sol, comme deux nuages épais. La main gauche du prince tient un chapeau à plumes ; sa main droite le sceptre incliné ; il est debout près d’un trône ; sur un coussin sont déposées la couronne et la main de justice. Le trône, orné de têtes de lions ailés, est placé sur des degrés couverts de tapis ; de chaque côté, tombent des rideaux en larges plis ; des colonnes, des pilastres, des galeries conduisent notre regard vers le fond sur un intérieur magnifique. Placés côte à côte, ces deux portraits inspirent de graves réflexions sur l’histoire de ce temps.