Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/494

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trent que jadis on voyait là un site romantique, effacé depuis par une végétation envahissante, et nous consentons volontiers à nous croire transportés dans une résidence d’été du grand-duché florentin.


MADAME RÉCAMIER (PEINTE EN 1805).

Pour conclusion nous voyons le portrait d’une belle femme dont la renommée nous est parvenue depuis déjà vingt ans. Dans une salle de bain, ornée de colonnes, fermée par un rideau et par un buisson de fleurs, on aperçoit la plus belle et la plus séduisante personne, étendue, sans doute après le bain, sur les coussins d’un canapé ; la poitrine, les bras et les pieds sont nus, le reste du corps n’est caché que par une étoffe légère, mais sans violer les convenances ; sous le bras gauche passe un châle destiné à servir au besoin de surtout. Nous ne pouvons rien dire de plus de cette aimable et coquette gravure. Comme la beauté ne se divise pas, et donne le sentiment d’une harmonie parfaite, elle ne se laisse pas peindre par des mots. Nous estimons heureux ceux qui ont pu voir le tableau lui-même à Berlin, où il doit être maintenant. Nous nous contentons de cette esquisse qui montre très-bien l’intention générale ; et au fond n’est-ce pas là ce qui fait la valeur d’une œuvre d’art ? L’intention première est antérieure au tableau, et c’est elle que l’exécution la plus soignée finit à la fin par rendre vivante. — Reconnaissons que ce tableau, comme tous les précédents, est bien conçu, plein d’effet, caractéristique, et animé d’une juste expression.

S’il n’est pas en notre puissance d’exprimer par des mots les avantages extérieurs d’une personne, le langage, du moins, peut conserver le souvenir de ses qualités morales et sociales ; aussi nous ne pouvons nous refuser de citer ce que disent sur elle après vingt ans les journaux actuels. (Suit une longue citation.)

Ces portraits nous sont traduits par une pointe remplie d’esprit. On doit penser que M. Gérard a dû choisir un excellent collaborateur pour un ouvrage qui doit fonder sa réputation comme artiste penseur. Il est très-important que l’auteur soit sûr de son traducteur, et, sans contestation, M. Adam mérite tous les éloges. Sa pointe a un sentiment si juste et un don de transformation