Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/76

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« — Il aimait beaucoup les voyages, mais non pas tant pour s’amuser et se distraire que pour tenir ouverts partout les yeux et les oreilles, et découvrir tout ce qu’il était possible d’introduire de bon et d’utile dans son pays. L’agriculture, l’élève du bétail, l’industrie lui sont de cette façon très-redevables. Ses goûts n’avaient rien de personnel, d’égoïste ; ils tendaient tous à un but pratique d’intérêt général. C’est ainsi qu’il s’est fait un nom qui s’étend bien au delà de cette petite principauté. »

« — La simplicité et le laisser aller de son extérieur, dis-je, semblaient indiquer qu’il ne cherchait pas la gloire et qu’il n’en faisait pas grand cas. On aurait dit qu’il était devenu célèbre sans l’avoir cherché, simplement par suite de sa tranquille activité. »

« — La gloire est une chose singulière, dit Goethe. Un morceau de bois brûle, parce qu’il a du feu en lui-même ; il en est de même pour l’homme : il devient célèbre s’il a la gloire en lui. Courir après la gloire, vouloir la forcer, vains efforts ; on arrivera bien, si on est adroit, à se faire par toutes sortes d’artifices une espèce de nom ; mais si le joyau intérieur manque, tout est inutile, tout tombe en quelques jours. — Il en est exactement de même avec la popularité. Il ne la cherchait pas et ne flattait personne, mais le peuple l’aimait parce qu’il sentait que son cœur lui était dévoué. »

Goethe parla alors des autres membres de la famille grand-ducale, disant que chez tous brillaient de nobles traits de caractère. Il parla de la bonté du cœur de la régente actuelle, des grandes espérances que faisait naître le jeune prince[1], et se répandit avec une prédilection

  1. Charies-Frédéric, mort en 1855.