Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en prenant avec eux La Roche, M. Wintenberger et madame Seidel, je sais ce que j’ai à faire, et peux être sûr que l’exécution répondra à mes idées. — Écrire pour le théâtre, c’est là un art tout particulier, et celui qui ne le connaît pas à fond ne doit pas s’en occuper. On croit qu’un fait intéressant par lui-même conservera de l’intérêt s’il est transporté sur les planches ; mais pas du tout ! Certaines choses très-jolies à lire, à se figurer en esprit, si elles sont transportées au théâtre, changent d’aspect ; et justement ce qui nous enthousiasme dans le livre nous laissera peut-être froid, vu sur la scène. Quand on lit Hermann et Dorothée, on croit que c’est là une œuvre bonne aussi pour le théâtre. Tœpfer[1] s’est laissé entraîner à l’y porter, mais qu’a-t-il fait là ? Quel effet produit son œuvre, surtout si les acteurs ne sont pas excellents ? Qui peut dire que ce soit là à tous les points de vue une bonne pièce ? Écrire pour le théâtre est un métier qu’il faut étudier à part et qui exige des dispositions spéciales. Si l’on n’a pas et la connaissance du métier et la vocation naturelle, il est bien difficile de réussir. »

Lundi, 9 février 1829.

Goethe a beaucoup parlé des Affinités. Une personne qu’il n’avait jamais vue ni connue s’est trouvée copiée dans le personnage de Mittler. « Il faut donc, dit Goethe, que le caractère ait quelque vérité et il doit y avoir plus d’un de ses pareils dans le monde. Il n’y a pas dans les Affinités une ligne qui ne soit un moment de ma vie ; et c’est un roman qui renferme tant d’idées, qu’il est impossible de les apercevoir toutes à la première lecture. »

  1. Poëte dramatique, né à Berlin en 1792.