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tent. Il parle rarement en société, mais vous avez pu voir, dans cette réunion intime entre nous, quel excellent esprit et quel excellent caractère se cachent dans cet homme. On lui a d’abord fait beaucoup d’opposition, mais maintenant il jouit entièrement de la faveur et de la confiance du duc. Coudray est un des plus habiles architectes de notre temps. Nous nous sommes rapprochés l’un de l’autre, et cela nous a servi à tous deux. Ah ! si je l’avais eu il y a cinquante ans ! »

À propos des connaissances de Goethe en architecture, je faisais remarquer qu’il avait dû beaucoup gagner en Italie. « J’ai pris là, dit-il, une idée du sérieux et du grand, mais aucun savoir-faire. C’est la construction du château de Weimar qui m’a fait faire des progrès. Je dus m’en occuper, et j’allai même jusqu’à dessiner des moulures de corniches. — Je fis d’une certaine façon mieux que les gens du métier, parce que, ayant le goût plus cultivé, je pouvais avoir de meilleures idées. »

La conversation arriva à Zelter. « J’ai reçu une lettre de lui ; il m’écrit entre autres que l’exécution du Messie a été gâtée par une de ses élèves, qui a chanté un air trop mollement, trop faiblement, trop sentimentalement. La faiblesse est un des traits distinctifs de notre siècle. Je suppose qu’en Allemagne elle est une suite de l’effort qui a été fait pour chasser les Français. Peintres, naturalistes, sculpteurs, musiciens, poètes, tous, à peu d’exceptions près, tous pèchent par la débilité, et dans la masse de la nation il en est de même.

« — Cependant je ne perds pas l’espérance, dis-je, de voir naître une musique convenable pour Faust.

« — C’est tout à fait impossible, dit Goethe. Les accents durs, pénibles, terribles, qu’elle devrait renfer-