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mer par places sont tout à fait opposés à ce temps-ci. La musique devrait être dans le caractère de Don Juan ; Mozart aurait pu écrire la partition du Faust. Meyerbeer le pourrait peut-être ; mais il ne se laissera pas entraîner à une pareille œuvre, il est trop engagé avec les théâtres d’Italie. »

Goethe, je ne sais à quelle occasion, fit ensuite cette observation remarquable : « Tout ce qui est grand, intelligent, est en minorité. Il y a eu des ministres qui avaient contre eux peuple et roi, et qui étaient obligés de poursuivre seuls leurs grands plans. — Il ne faut pas penser que la raison soit jamais populaire. Les passions, les sentiments peuvent devenir populaires, mais la raison restera toujours la propriété exclusive de quelques élus. »

Vendredi, 13 février 1829.

Dîné seul avec Goethe. « Quand j’aurai terminé les Années de voyage, dit-il, je me tournerai de nouveau vers la botanique, afin d’avancer la traduction de Soret. Je crains seulement que ce travail ne m’entraîne trop loin, et ne devienne de nouveau une montagne. Il y a encore de grands secrets cachés ; j’en sais plusieurs, j’en pressens beaucoup d’autres. Je vais, en vous confiant une de mes idées, vous parler d’une façon étrange. La plante va de nœud en nœud et se termine enfin par la fleur et la semence. Dans le règne animal il en est de même. La chenille, le ténia se développent nœud par nœud et forment à la fin une tête ; chez les animaux supérieurs et chez l’homme ce sont les vertèbres qui s’ajoutent les unes aux autres et se terminent par la tête, dans laquelle se concentrent les forces. — Ce qui arrive ainsi chez chaque individu arrive également pour les collections d’indi-