Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/201

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du plus gros de ces animaux. Comme nous étions bien armés, nous n’hésitâmes pas à l’attaquer tout d’abord. Plusieurs coups de feu furent tirés rapidement, dont la plupart atteignirent évidemment l’animal à la tête et au corps. Toutefois, le monstre, sans s’en inquiéter autrement, se précipita de son bloc de glace et se mit à nager, les mâchoires ouvertes, vers l’embarcation où nous étions, moi et Peters. À cause de la confusion qui s’ensuivit parmi nous et de la tournure inattendue de l’aventure, personne n’avait pu apprêter immédiatement son second coup, et l’ours avait positivement réussi à poser la moitié de sa masse énorme en travers de notre plat-bord et à saisir un de nos hommes par les reins, avant qu’on eût pris les mesures suffisantes pour le repousser. Dans cette extrémité, nous ne fûmes sauvés que par l’agilité et la promptitude de Peters. Sautant sur le dos de l’énorme bête, il lui enfonça derrière le cou la lame d’un couteau et atteignit du premier coup la moelle épinière. L’animal retomba dans la mer sans faire le moindre effort, inanimé, mais entraînant Peters dans sa chute et roulant sur lui. Celui-ci se releva bientôt ; on lui jeta une corde, et, avant de remonter dans le canot, il attacha le corps de l’animal vaincu. Nous retournâmes en triomphe à la goëlette, en remorquant notre trophée à la traîne. Cet ours, quand on le mesura, se trouva avoir quinze bons pieds dans sa plus grande longueur. Son poil était d’une blancheur parfaite, très-rude et frisant très-serré. Les yeux étaient d’un rouge de sang, plus gros que ceux de l’ours arctique, — le museau plus arrondi et ressemblant presque au