Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/231

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coude. Je suis sûr que les versants de cette vallée s’élevaient, en moyenne, à 70 ou 80 pieds de hauteur perpendiculaire dans toute son étendue, et en quelques endroits les parois montaient à une élévation surprenante, obscurcissant tellement la passe que la lumière du jour n’y pénétrait plus qu’à peine. La largeur ordinaire était de quarante pieds environ, et quelquefois elle se rétrécissait au point de ne livrer passage qu’à cinq ou six hommes de front. Bref, il ne pouvait pas y avoir au monde d’endroit mieux choisi pour une embuscade, et il n’était que trop naturel de veiller soigneusement à nos armes aussitôt que nous y entrâmes.

Quand maintenant je pense à notre prodigieuse folie, mon principal sujet d’étonnement est que nous ayons pu nous aventurer ainsi, dans n’importe quelles circonstances, et nous remettre à la discrétion de sauvages inconnus, au point de leur permettre de marcher devant et derrière nous tout le long de la ravine. Cependant, tel fut l’ordre de marche que nous adoptâmes en aveugles, nous fiant sottement à la force de notre troupe, à la disparition des armes chez Too-wit et ses hommes, à l’effet sûr de nos armes à feu (qui était encore un secret pour les naturels), et, avant toutes choses, à la longue affectation d’amitié de ces infâmes misérables. Cinq ou six d’entre eux ouvraient la marche, comme pour nous montrer la route, faisant grand étalage de bons soins et écartant pompeusement les grosses pierres et les débris qui entravaient nos pas. Ensuite venait notre bande. Nous marchions serrés les uns contre les autres, ne prenant souci que d’empêcher notre séparation. Derrière