Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/59

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j’eusse éprouvé la moindre incommodité de mon emprisonnement. Il venait justement de faire toutes ces réflexions, quand son attention fut attirée par un tumulte tout à fait insolite, qui semblait partir de la cabine. Il s’élança par la trappe aussi vivement que possible, la ferma, et ouvrit la porte de sa chambre. À peine avait-il mis le pied sur le seuil, qu’un coup de pistolet lui partait au visage, et qu’il était terrassé au même instant par un coup d’anspect.

Une main vigoureuse le maintenait couché sur le plancher de la chambre et le serrait étroitement à la gorge ; cependant il pouvait voir ce qui se passait autour de lui. Son père, lié par les mains et les pieds, était étendu le long des marches du capot-d’échelle, la tête en bas, avec une profonde blessure dans le front, d’où le sang coulait incessamment comme un ruisseau. Il ne disait pas un mot et avait l’air expirant. Sur lui se penchait le second, le regardant au visage avec une expression de moquerie diabolique, et lui fouillant tranquillement les poches, d’où il tirait en ce moment même un gros portefeuille et un chronomètre. Sept hommes de l’équipage (dont était le coq, — un nègre) fouillaient dans les cabines de bâbord pour y prendre des armes, et ils furent bien vite tous munis de fusils et de poudre. Sans compter Auguste et le capitaine Barnard, il y avait en tout neuf hommes dans la chambre, — les plus insignes coquins de tout l’équipage. Les bandits montèrent alors sur le pont, emmenant mon ami avec eux, après lui avoir lié les mains derrière le dos. Ils allèrent droit au gaillard d’avant, qui était fermé, — deux des mutins se tenant à côté avec des ha-