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dieux que lui seul et sa femme possédaient la clé de la petite porte ouvrant sur le derrière et qu’il était impossible d’entrer sans qu’ils en fussent avertis. Edgard, obligé à la prudence, dit seulement :

— Je vous demandais cela parce qu’il m’a semblé cette nuit que cette porte avait été ouverte, Mais j’ai dû me tromper.

— Monsieur le sous-préfet s’est certainement trompé. Il est vrai que j’ai le sommeil très dur. Depuis quelque temps surtout je dors comme du plomb. Mais ma femme, au contraire, s’éveille d’un rien. Et elle m’aurait prévenu si quelque chose d’insolite s’était produit.

Or, le brave homme ne se trompait qu’à demi.

On verra par la suite de cette histoire par quel enchaînement de circonstances il se trouvait, sans le vouloir, complice de l’amie du sous-préfet.

Le soir de ce jour, en effet, la comtesse était de faction dès neuf heures du soir dans la petite rue sur laquelle donnait la porte de l’appartement loué officiellement par Emma Dupont. Quelqu’un, qui eût été curieux de savoir ce qui se passait, eût pu voir la femme du député-maire blottie dans une encoignure de porte, tandis que sortaient de l’hôtel d’abord un jeune homme qui n’était autre que le fils de l’hôtelier, puis, le suivant à peu de distance, une femme enveloppée d’un manteau et qui ne pouvait être qu’Éléonore.

Quelques instants plus tard, le jeune Adrien (c’était le nom du fils du patron de l’hôtel du Vieux Castel) ouvrait, avec une clé qu’il sortait de sa poche, la porte de derrière de la sous-préfecture.

Il entra laissant l’huis entr’ouvert, et bientôt la dame voilée franchissait à son tour le seuil. Après quoi Adrien refermait la porte à double tour, puis, tandis qu’Éléonore gagnait les appartements du sous-préfet, Adrien se dirigeait, en étouffant le bruit de ses pas, vers une petite chambre attenant à la loge, chambre qui faisait partie du logement du concierge.

En entrant, Adrien fut accueilli par ces mots prononcés à voix basse :

— C’est toi, mon chéri ?

— Oui, ma Joséphine adorée.

La Joséphine adorée d’Adrien n’était autre que la concierge elle-même. Elle faisait depuis plusieurs mois chambre à part avec son mari, sous le prétexte fallacieux que celui-ci l’empêchait de dormir par ses ronflements sonores. Cela permettait à l’astucieuse concierge de recevoir dans son lit le jeune Adrien, lequel avait fait faire une seconde clé de la porte par laquelle il était entré…