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— Si ces Messieurs dames veulent se donner la peine d’entrer, monsieur le commissaire les attend.

Le commissaire les attendait en effet. Assis derrière son bureau, ce magistrat tenait de sa dextre les deux cartes de visite qui lui avaient été transmises et les examinait avec perplexité.

— Prenez donc la peine de vous asseoir, dit-il.

Et lorsque tout le monde eut pris place, il essaya de faire de la conciliation :

— Voyons, dit-il en s’adressant au président, voyons, ce n’est pas sérieux ! Je suis persuadé, monsieur, que vous considérez l’incident comme terminé.

— Mon mari a été grossièrement insulté, monsieur, et moi aussi !

— Vous êtes madame Couillard ?

— Oui, Monsieur, Adèle-Éléonore Couillard, née Durand, la tante du ministre de l’Économie Nationale.

— Zut ! ça, c’est embêtant ! pensa Edgard qui s’avança en disant : monsieur le commissaire, c’est de l’enfantillage, ces dames s’amusaient. Je reconnais qu’elles ont peut-être exagéré la plaisanterie. Mais nous étions à la fête de Neuilly et si M. Couillard que je n’ai pas l’honneur de connaître…

— Vous me connaîtrez, monsieur, je suis le docteur Couillard, président du conseil général de Loire-et-Garonne !… Et moi, je ne vous connais pas…

— Monsieur est une personne très honorable, remarqua le commissaire, et il ne peut être rendu responsable…

Mais Mme Couillard protesta énergiquement :

— Si, monsieur, il est responsable… Et j’en parlerai à mon neveu le ministre. Il fait tout ce que je veux, mon neveu, parce qu’il est mon unique héritier, avec cette enfant qui est ma petite-nièce.

— Sans doute, madame, sans doute. Mais il n’y a pas de délit.

— Pas de délit !… pas de délit !… Mais mon mari a été bousculé par ces créatures, qui l’ont violenté sur les cochons de bois !

— Madame exagère, intervint Éléonore ; monsieur Couillard, avouez que nous ne vous avons pas violé.

— Certainement non, certainement non. Mais enfin…

— Et moi ? et moi ? clama l’épouse indignée du président du conseil général de Loire-et-Garonne. Vous ne m’avez pas appelée par mon petit nom peut-être quand vous criiez : « Éléonore ! Éléonore ! »

— Mais moi aussi, je m’appelle Éléonore !…

— Ça n’est pas une raison : Joseph, maintiens ta plainte !

Et la grosse dame vindicative, regardant Edgard, ajouta :