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Comme les préposés à l’ordre public ponctuaient leurs paroles de gestes expressifs, la foule se dispersa.

Pendant ce temps, la discussion continuait à l’intérieur du poste.

Tout d’abord le brigadier interpella, sans aménité, les uns et les autres :

— Voyons, qu’est-ce qu’il y a encore ? Vous êtes tous saouls au moins ! Qui est le plaignant ?

— C’est moi, s’écria le vieux monsieur. Mais je veux voir le commissaire de police.

— Le commissaire, il a d’autres chats à fouetter que d’entendre vos jérémiades.

Éléonore poussa Edgard du coude :

— Ah ! le commissaire !… Je voudrais bien connaître les chats qu’il fouette en ce moment.

Et comme hommes et femmes se mettaient à rire, le brigadier hurla :

— Un peu de silence, nom de Dieu !

Mais le vieux monsieur ne se tint pas pour battu.

Il sortit de sa poche un portefeuille et du portefeuille une carte de visite qu’il tendit au brigadier en lui disant :

— Faites toujours passer ma carte au commissaire, il me recevra…

Ça devenait grave.

Le chef de poste jeta les yeux sur le bristol, et, s’efforçant d’être poli, il salua militairement, disant :

— Parfaitement !… parfaitement !… Monsieur le Président…

Tous se regardèrent, tandis que « le président » souriait d’un air satisfait et que sa digne moitié toisait de haut ses adversaires.

Edgard s’avança.

Le brigadier le regarda sans amabilité aucune :

— Qu’est-ce que vous voulez, vous ?… Restez à votre place.

— Pardon, brigadier… moi aussi, je désirerais que vous fissiez passer ma carte à monsieur le commissaire.

Et le jeune attaché tendit à son tour à l’agent interdit un élégant bristol.

Après avoir lu le nom et la qualité d’Edgard, le brigadier dit :

— Ah ! Ah ! C’est différent !… c’est différent !…

Et il s’en fut, laissant les deux camps adverses aussi stupéfaits l’un que l’autre.

Un quart d’heure après, le brigadier revenait et, s’inclinant respectueusement, disait :