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— Et la clientèle privée, aurez-vous une loi pour la contraindre à ne plus s’adresser aux birbes tant qu’ils se survivront ? Vous serez en état de faire concurrence à leur gloire, peut-être ?

Une consternation suivit cette apostrophe, puis une clameur : « À bas les birbes ! » Et bientôt le cri : « Mort aux birbes ! »

Durant dix minutes, l’agitation fut extrême ; dans la salle surchauffée, les faces et les cerveaux se congestionnaient de colère ; sans discussion, un article additionnel fut adopté, prescrivant au comité d’action d’avoir à organiser pour le matin même une manifestation à l’Institut Auguérand ; séance tenante, le programme fut arrêté : les étudiants se rendraient en masse à la villa de Neuilly, précédés de la bannière corporative, rouge et or, à la devise :

Place aux jeunes !

Le rassemblement était fixé à neuf heures, devant la fontaine Michel.

Le reste de la nuit fut calme dans les rues, sinon dans les esprits. Car le monde des écoles n’était pas seul à s’agiter, et bientôt on en eut des preuves multiples. Un peu avant la pointe du jour, les placards violets de la faction anarchiste s’étalèrent sur les murs : Les bourgeois se prorogent ! Paraphrasant l’article du Balai, le leader du prolétariat invitait les faubourgs à la révolte ouverte contre l’intrusion de cet abus nouveau dont les pauvres allaient pâtir encore, comme toujours :

— C’est avec votre vie qu’ils accroîtront la leur ! En prolongeant votre existence, ils prolongent votre misère pour l’exploiter plus longtemps ! On vous daube avec des avantages illusoires et des promesses astucieuses ! Mais vous ne laisserez pas faire ! Vous casserez dans l’œuf le rêve fratricide des exploiteurs !

La Cloche d’ébène, journal gratuit, se distribua par milliers à la porte des usines : elle annonçait pour l’après-midi une interpellation de Clément Bœuf : « Nous sommons le gouvernement de déclarer si, oui ou non, il prétend apporter la perturbation dans l’ordre social et introduire dans la paix du monde un ferment de haines individuelles et nationales. »

Ainsi la France, qui jadis avait pré-