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cédé les nations dans la voie des réformes aventureuses, et qui maintenant se faisait pratique, la vieille France des épopées s’en allait prêchant la prudence et dogmatisant sur l’égoïsme ! Du moins faut-il reconnaître qu’en cela comme en tout elle passait d’un extrême à l’autre et demeurait fidèle à son caractère, sinon à son programme, puisqu’elle s’apprêtait à serrer le frein aux novateurs, avec la même passion que, naguère, elle avait mise à le lâcher.

Instantanément, l’Allemagne prit le contre-pied de la thèse soutenue chez nous : la presse officieuse déclara que tout progrès doit être accueilli, sous peine d’obscurantisme, et que, s’il comporte des difficultés dans l’application ou des inconvénients secondaires à côté du bénéfice principal, il ne convient pas de repousser celui-ci, mais de parer à ceux-là par des remèdes qui restent à trouver et qui se trouveront.

— La France a tort : elle devrait être fière de son enfant et du progrès qui, une fois de plus, est sorti de chez elle !

L’Allemagne était-elle sincère et vraiment désintéressée ? N’essayait-elle pas, en flattant notre vanité proverbiale, d’amener un revirement de l’opinion française ? Son affectation de libéralisme ne couvrait-elle pas l’espoir déjà naissant d’accroître encore, en faveur des pays germaniques, la supériorité du nombre, et de nous écraser finalement par elle ?

La Cloche d’ébène l’affirmait :

« Nous ne serons pas dupes des Alboches ! »

Le mot fit fortune ; au bout de deux heures, les adeptes d’Auguérand et de sa méthode passaient pour affiliés aux intérêts de l’Allemagne : ils furent les Alboches. Par contre, les adversaires de la longévité devenaient normalement les promoteurs de la défense nationale : ils furent les Frangins.

Encore une fois, deux partis étaient nés et se constituaient, furieusement irréductibles, comme il convient dès qu’il s’agit de vivre ou de mourir. Et le soleil monta, radieux, dans le ciel clair, sur cette journée du 26 juillet, qui allait décider le sort des humanités à venir…

EDMOND HARAUCOURT.