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— Non… Peut-être… Madeleine, tu sens une odeur ?

Madeleine entr’ouvre un peu la bouche pour parler, mais elle ne parle pas, et seul le hochement de sa tête répond : « Non, maman. »

Madeleine ment, et, sans retard, elle tousse, un peu pour se donner contenance, un peu parce que l’âcre odeur lui pique la gorge.

— Si fait, je vous assure, et c’est insupportable ! Vous ne voulez pas l’avouer par indulgence et parce que… Non, vraiment, vous ne sentez pas ? On dirait du vernis qui brûle.

— Oui, vous avez raison… En effet… Du vernis…

— Cela vient encore, sans aucun doute, des ateliers du dessous ! J’ai beau me plaindre au propriétaire. Je finirai par donner congé !

Ce dernier mot rappelle à la mère qu’elle peut elle-même prendre congé, car sa visite a duré le temps normal. Elle se lève. Madeleine se lève. La maîtresse de maison se lève : sourires et révérences, poignées de mains, phrases aimables, et la porte du salon s’ouvre.

Mais les visiteuses ne sortent pas, et c’est un tourbillon de fumée qui se rue par la porte béante.

— Le feu !

La dame qui reçoit court vers la fenêtre et l’ouvre toute grande.

Alors, sous l’appel du vent, des flammes s’élancent à travers les fumées, et lampent les tentures. Cris. La mère et la fille, pour fuir, se jettent dans le feu, et reculent. Madeleine étend les bras et tombe à la renverse, évanouie. Sa jupe de soie à fleurs roses s’allume. Le feu prend la petite vierge et la cuit lentement.

L’avenir est fini.

EDMOND HARAUCOURT.