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C’est de l’avenir qui incube…

Mlle Madeleine sourit et les minutes passent ; la visite sera bientôt terminée ; la conversation languit ; on va partir et nous irons ailleurs.

— Un début dans le monde, madame, songez donc, et notre première visite en robe longue ! Elle a voulu que sa première visite fût pour vous.

Madeleine sourit d‘entendre sa mère, et une constatation traverse l’azur de ses yeux : « Mensonge. » Madeleine apprend à mentir.

— Comme c’est beau, la jeunesse ! Ainsi, vous voilà lancée, ma chère petite, comme cela, tout d’un coup ? Elle est charmante… Vous allez danser, ce printemps ? On danse tard, depuis quelques hivers, et la saison retarde. Vous aimez la danse, sans doute ?

— Nous lui avons fait donner quelques leçons.

Madeleine sourit et baisse les paupières, car un instinct l’avise que la danse et la pudeur ont des rapports d’incompatibilité.

— Et puis, bientôt, elle vous quittera, madame.

— Ne m’en parlez pas ! Je ne veux pas y penser. Les années passent si vite.

— Jolie comme elle est, vous n’aurez pas de peine à lui trouver un mari.

— Nous n’y songeons guère !

— Le plus tard possible, n’est-ce pas ?

— Et ce sera bien assez tôt !

— Comme vous dites vrai, chère madame ! Ces enfants-là ont bien le temps de connaître la vie.

— Qui n’est pas toujours gaie.

— Oh ! vous n’avez pas à vous plaindre… Mais, ne remarquez-vous pas cette odeur, chez moi ?…