Page:Edmond Haraucourt Cinq mille ans 1904.djvu/14

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les vœux : des apports de tribus nomades ou agricoles, aryennes et touranniennes, brachycéphales et dolichocéphales, l’idéalisme des uns et le réalisme des autres, déposés dans les origines et ressuscitant sans cesse, devaient provoquer là, bien plus que nulle part, des luttes et des heurts, une guerre civile à l’état permanent. L’histoire de ce pays a donc été sûrement trépidante, comme celle de la Grèce ; et, pour des causes identiques, pleine de gestes brusques et de décisions imprévues, d’énergies subites, de prompts affaissements, et d’art, et de gaieté. Sans nul doute elle fut attrayante à lire, et sans nul doute aussi ce peuple fut joli à voir, doué, par tant d’héritages, de toutes les qualités et de tous les vices, synthèse du monde, total d’humanité, l’Homme par excellence, ou du moins dans sa plénitude et dans sa multiformité.

Mais, de par la loi, ces métis ne pouvaient durer : tandis que l’Allemagne, mais surtout l’Angleterre, de sang plus pur, et, par conséquent, de vitalité plus solide, résistaient encore à la déchéance et transplantaient en Amérique la dernière bouture du plant indo-européen, l’y rénovaient, l’enrichissaient, et dans un sol vierge puisaient un regain de sève, le dernier, tandis que ces Anglo-Saxons du Nouveau-Monde prenaient, pour un moment, possession du globe, et, se métissant à leur tour, brillaient et mouraient à leur tour, la Gaule et Paris leur montraient le chemin de mort, en devenant ce que voici. Par une coïncidence, purement fortuite d’ailleurs, la terre se noyait alors que s’étiolait l’habitant de la terre, et tous les deux en même temps rentraient dans le néant, ou, pour mieux dire, dans la vie universelle qu’ils avaient incarnée un instant.