Page:Edmond Haraucourt Cinq mille ans 1904.djvu/20

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Heureusement, la pierre, sur ces époques lointaines aussi bien que sur d’autres plus anciennes encore, nous en dit plus long que le livre ; le document lapidaire est le seul qui dure et perdure : honorons-le avec reconnaissance ! C’est lui que nous allons interroger, et c’est lui qui va nous répondre, en ressuscitant devant nous l’âme des peuples qui ne sont plus. Écoutons ce qu’il nous raconte, et regardons sortir des grèves, à l’appel de notre science, les minutes successives d’une civilisation qui va défiler sous nos yeux et se traduire à nous par les irrécusables témoins de son art, pétrifiée, si j’ose dire, dans les gestes de son effort !

Cet effort, quand commence-t-il, combien dure-t-il ? Je vous le disais tout à l’heure, le nombre des siècles ne nous est pas exactement connu ; mais les deux mille années environ qu’on attribue à l’existence de la Gaule-Française se subdivisent pour nous en trois époques bien distinctes, dont chacune est caractérisée nettement, et nettement définie, par le type de ses œuvres et par les influences que l’archéologie y découvre : en première date, l’influence romaine, qui correspond à l’époque impériale, militaire, et constitue l’âge héroïque, le plus glorieux dans l’histoire et le plus fécond dans les arts ; en second lieu, l’influence orientale, qui se manifeste dès le commencement de la période républicaine, et qui nous donne l’époque commerciale, plus civilisée, plus savante, plus pratique, mais aveulie déjà ; enfin, la troisième et dernière phase, l’influence rurale, consécutive à un retour vers la nature, à la misère d’un peuple déchu, ultime expression d’une race à bout de souffle, qui tâche encore à dresser quelque chose, et dont l’effort pénible n’aboutit qu’à une réalisation fruste et grossière comme elle. La science moderne a conservé à cet art moribond sa dénomination ancienne : c’est l’art gothique.