Page:Edmond Haraucourt Cinq mille ans 1904.djvu/4

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La Parisienne, par imitation, se tourna pour regarder aussi, et ne vit rien que le paysage accoutumé : la mer était tranquille et laiteuse, presque sans vagues, sous un ciel pâle, et l’eau commençait à baisser, dégageant les îles du golfe qui grandissaient à mesure ; toutes les six étaient couronnées de fougères immobiles, d’où sortait le toit brun d’une maisonnette couleur de terre ; deux barques à voile traversaient la baie dans sa longueur, gagnant le large ; en face, les falaises de Meudon dressaient leur mur à pic, blanc comme un linge, et, empanachées de sapins, elle fermaient l’horizon du Sud, tandis que le golfe s’enfonçait à l’Est vers les sables de l’estuaire ; là, des herbiers d’un vert puissant marquaient la place où les deux fleuves de Seine et de Marne débouchaient dans la mer, et par endroits, très loin, entre les collines du continent, on voyait briller la plaque argentée des étangs.

— Quoi regarder, là ?

Pour s’aider à comprendre, la femme, de nouveau, tourna la tête vers les étrangers, et vit alors son homme qui revenait en courant.

— Qui ? Veulent quoi ? D’où ?

— De Tahiti. Partis ce matin : promenade, savants, ils disent.

— Quoi, savants ?

— Regarder : choses du temps passé ; ils disent.

— Quoi, toi ?

— Conduire, guide : îles, ruines, empereur, cimetière.

— Femmes avec ?

— Mêlés, moi croire.

— Femmes jolies ?

— Pareilles, hommes pareils.

— Moi, quoi ?

— Maison !