Page:Edmond Haraucourt Cinq mille ans 1904.djvu/5

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La Montmartroise fit une moue de dépit, mais son homme fronça les sourcils, menaçant, et elle reprit le chemin de la hutte. Il lui tourna le dos et s’achemina vers les grèves : la côte était plate, basse, garnie de galets et de silex. Le pêcheur mit sa barque à flot, y monta seul, et partit à l’aviron dans la direction des îles. Quand il fut loin, la femme sortit de sa cabane, et pour n’être vue ni de son homme ni des gens, elle se baissa et rampa entre les fougères : elle monta ainsi vers le phare ; quand elle fut à portée d’entendre les voix, elle s’arrêta. Les sons parvenaient distinctement à elle, comme il arrive au bord de la mer lorsque le temps est calme, et elle percevait tous les mots, car les habitants de la terre ne parlaient alors qu’une seule langue ; mais la plupart du temps elle comprenait mal : le sens des locutions trop abstraites était inconnu d’elle, et la syntaxe trop compliquée des phrases gênait son habitude d’un langage fruste et sauvage.

Cependant, l’homme qui semblait être le guide ou le patron des autres, parlait seul au bord du parapet ; il s’exprimait avec fierté, et articulait nettement son discours, comme s’il eût été bien sûr de ne pas se tromper, ou comme si ses paroles eussent été précieuses au point qu’on n’en dût pas perdre une seule ; ses compagnons, d’ailleurs, l’écoutaient attentivement, et la Parisienne vit bien que celui-là devait être le Savant dont son homme lui avait parlé, et qui explique les choses du temps jadis.

Lorsqu’elle s’arrêta pour écouter, ce maître disait : «… de vous conduire ici et de descendre au phare, point culminant, pour contempler d’abord dans son ensemble la place où se déployait cette ville dont l’histoire nous révèle l’existence, et qui fut Paris. Plus autorisés que moi, d’autres vous expliqueront et vous démontreront les phases progres-