Page:Edmond Haraucourt Cinq mille ans 1904.djvu/6

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sives du travail géologique qui, peu à peu, amena l’engloutissement de cette cité et des régions avoisinantes : je vous renvoie, pour cette étude, aux deux ouvrages de mon éminent collègue le professeur Taku : Affaissement et exhaussements du sol, et surtout l’Europe sous-marine, où plus particulièrement, il étudie les transformations de cette contrée. Les recherches exactes de la géologie, et la méthode presque mathématique qui lui est applicable depuis l’importante découverte des lois de Foho, ont permis à nos savants modernes d’évaluer avec précision la marche et la durée du phénomène qui supprima graduellement cette partie du vieux continent. Les explorateurs sous-marins ont confirmé par leurs expériences l’exactitude des phénomènes que les lois affirmaient, et nous savons ainsi, à n’en plus douter, que l’antique cité parisienne, avant d’être submergée, fut pendant de longs siècles distante de la mer : sa gloire disparue remonte à cette époque. Il y a quatre mille ans, une province triangulaire s’étendait vers l’Ouest de Paris, et sa pointe plongeait dans l’Océan ; les îlots granitiques de la Bretagne, au-dessus desquels nous passions, il y a quelques instants, sont les derniers vestiges de cette presqu’île, dont la portion orientale, qui attenait immédiatement au sol parisien, semble avoir été celle dont quelques documents nous attestent l’existence, la Normandie, reconnaissable encore par l’émersion de ses crêtes jurassiques. Paris était alors baigné par un fleuve large : la Seine, ou Séquane, qui traversait l’empire dans sa largeur ; l’ignorance de ces temps paraît avoir été si profonde, et leur indifférence si grossière que, durant des siècles, on ne remarqua point l’affaissement régulier du sol, et moins encore on s’inquiéta d’en tirer les conséquences logiques, c’est-à-dire de prévoir le prochain engloutissement du pays : le niveau de cette capitale n’était pourtant alors que de vingt mètres au-dessus de la mer, et l’affaissement, dont le chiffre nous est aujourd’hui connu, se produisait à raison de soixante-dix-huit centimètres par siècle. Déjà, comme un avertissement inutile, les poussées de l’Océan avaient noyé deux régions voisines : l’une des deux, qui, jadis, continuait l’Europe du côté de l’Occident, fut cette Atlantide, dont nous avons pu restituer la carte, ignorée de nos précurseurs ; l’autre, d’origine plus récente, s’étalait vers le Nord de Paris, rattachant à la France l’Angleterre naissante ; celle-ci, de jour en jour, se vit séparée du plateau central par un fleuve marin que poétiquement on appelait la Manche, à cause de sa forme alors étroite et longue, et que, plus logiquement, à cause de son action réelle, on appela aussi le canal d’Angleterre.