Page:Edmond Mandey Coeurs en folie, 1924.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 7 —

— En fait de discours, tu me parais habile à faire de la morale. Si tu es aussi habile en amour, je ferai ta fortune.

Un éclat de rire moqueur accueille cette déclaration :

— Ma fortune ! Ce n’est pas sur vous que je compte pour la faire… Allez ! allez !… Votre épouse est jeune et jolie, contentez-vous-en et laissez-moi en paix.

Mais l’hôtelier ne veut pas capituler. Une colère commence à sourdre en lui contre cette fille qui le repousse en le raillant :

— Plus souvent, s’écrie-t-il, que je te laisserai en paix. Je m’entêterai au contraire jusqu’à ce que tu cèdes.

En même temps, maître Honoré se rapproche d’Adèle et la prend par la taille. Il ne se connait plus, il est prêt à toutes les audaces.

— Oh ! que j’aimerais, dit-il, goûter la fraîcheur de ta chair et faire tressaillir ton corps.

S’enhardissant davantage encore, il l’attire brusquement, et, avant qu’elle ait pu l’en empêcher, l’embrasse dans le cou.

Cette fois, elle se fâche tout rouge, et, se dégageant d’un geste brusque, elle lance sa main, lui appliquant une gifle, qu’elle appuye de cette déclaration péremptoire :

— Là, êtes-vous content maintenant ? Allez-vous me laisser ?… Vous ne me dites rien du tout…

Un homme ne reçoit pas une gifle de bon cœur, d’une femme, surtout quand cette femme est sa servante. Et maître Honoré ne l’accepte point ainsi…

Il est tout à fait furieux maître Honoré, et il ne veut pas rester sur un pareil affront.

Aussi fait-il voir immédiatement qu’il est le patron, et c’est d’un ton autoritaire et rageur, d’un ton qui décèle tout son emportement, et la voix tremblante qu’il réplique :

— Ah ! Je ne te dis rien… Je ne te dis rien. Tu préfères donc quelque jeune galant, comme ceux qui viennent ici boire et te font la cour. Que je te prenne encore à te laisser lutiner par eux, et tu auras affaire à moi, je t’en réponds.

« Voyez-vous cette péronnelle !…

« Je ne veux pas chez moi d’une servante que tout le monde cajole, caresse, et qui se laisse plaisanter par les clients…

Adèle était restée toute interdite, surprise elle-même par le geste impulsif qui lui avait échappé. Pourtant, elle ne voulait pas capituler :