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Le rusé notaire n’allait pas du tout chercher de cigares dans sa chambre… Maintenant qu’il avait acquis la certitude que maître Honoré allait se rendre dans la chambre de sa servante, maintenant qu’il était certain que l’hôtelier trompait sa femme, il jugeait le moment venu d’aller demander à celle-ci de tenir la promesse qu’elle avait faite le jour même en riant et en déclarant : « Cela ne m’engage à rien, car mon mari est fidèle »… Ah oui ! Il était fidèle, comme les autres…

Et le notaire se sentait rempli de sévérité à l’égard de cet homme volage, d’autant plus rempli de sévérité que la trahison de maître Honoré lui donnait à lui-même des droits à l’égard de Mme Jeanne.

Aussi, estimait-il qu’il ne pouvait y avoir de mari plus coupable, qu’il n’était châtiment que ce criminel ne méritât pour une aussi odieuse action que rien n’excusait.

Notez qu’il y avait dans un tel raisonnement beaucoup d’illogisme, car, au fond, si maître Honoré n’avait pas trompé sa femme, jamais Me Robert n’eût eu l’occasion de demander à dame Jeanne de devenir sa maîtresse. Il eût dû par conséquent ne pas en vouloir autant à celui qui devenait la cause initiale des joies qu’il allait goûter en compagnie de la belle hôtelière.

Mais il lui en voulait quand même, tout en se réjouissant de cette occasion, il lui en voulait et le jugeait avec une extrême rigueur, qui lui procurait à lui-même de bons prétextes pour frapper ce grand et impardonnable coupable de la peine du talion.

Donc, le jeune et galant notaire ne monta pas dans sa chambre, contrairement à ce qu’il avait dit à l’hôtelier, lequel l’attendait en buvant pour ne pas s’ennuyer.

Me Robert, qui connaissait suffisamment la maison, se dirigeait vers la chambre où reposait dame Jeanne. Il voulait la voir, et la prévenir tout de suite. Son plan était si simple une fois l’hôtelière mise au courant, il lui recommandait de se tenir prête, et, un peu après minuit, il la conduisait jusqu’à la chambre d’Adèle pour la convaincre de son infortune conjugale.

Le plus important et aussi le plus difficile était d’obtenir de Mme Jeanne qu’elle ne fit aucun esclandre, et une fois qu’elle aurait acquis la preuve de l’infidélité de son mari, elle consentit à ne pas troubler les amours d’Honoré et d’Adèle, afin de pouvoir en toute sécurité, rejoindre le