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— Avec plaisir, à condition que vous me teniez compagnie.

— Mais je l’entends bien ainsi… Je ne vous ferai pas l’injure de vous laisser boire seul.

Maître Honoré fut loin de faire pareille injure à son hôte. Et il but tant et si bien qu’au bout d’une demi-heure il avait perdu complètement la notion exacte des choses. De nouveau, il se laissait aller au sommeil, affalé sur sa table.

Tout va bien dit le notaire en le voyant dans cette posture. Il est capable de rester ainsi toute la nuit. Il n’est peut-être pas tout à fait minuit, mais peu importe. Je vais quand même monter à la chambre de la servante.

Il était tout heureux, et fier de lui-même. N’avait-il pas finalement abattu tous les obstacles et n’allait-il pas retrouver la dame de ses pensées ? Il y allait très dispos, ayant oublié complètement l’aventure avec Adèle ; pauvre Adèle, c’était elle qui était sacrifiée dans cette histoire.

Ainsi qu’il s’y attendait, Me Robert trouva entr’ouverte la porte de la chambre du deuxième étage où logeait en temps ordinaire la servante et dans laquelle se trouvait exceptionnellement cette nuit-là dame Jeanne, maîtresse du logis.

— Je sais comment m’y prendre, pensa le notaire. Je viens de faire « une répétition générale » avec la bonne.

On peut être certain qu’Adèle n’eût pas été flattée le moins du monde si elle avait entendu son amant s’exprimer ainsi sur ce qui s’était passé entre elle et lui.

Mais Adèle n’entendait pas. Au surplus, Adèle était convaincue que le notaire était allé se coucher seul dans sa chambre, et elle ne pouvait supposer que le patron, qui lui avait donné un rendez-vous auquel il tenait tant, cuvait, présentement le vin et les liqueurs dont il avait par trop abusé.

Mme Jeanne, elle, était mal à l’aise dans le petit lit de fer de sa servante. À l’encontre d’Adèle, elle n’avait pu trouver le sommeil ; et elle se tournait et se retournait nerveusement, en se disant que minuit ne viendrait jamais.

Plusieurs fois, elle s’était levée pour aller coller son oreille à la porte et écouter les bruits de la maison, afin de se rendre compte si son mari montait.

Elle avait même été tentée d’aller voir ce qui se passait chez elle.

Elle n’était, en effet, pas très tranquille, craignant qu’au dernier moment son mari, revenant sur son intention pre-