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Et la belle hôtelière qui d’abord tremblait que son compagnon ne tirât les rideaux ou ne fit la lumière dans la chambre, fut stupéfaite de l’entendre se diriger à tâtons vers le lit…

Il y avait là un mystère qu’elle ne pénétrait pas.

Et, par un étrange esprit de contradiction, elle eût voulu qu’il parlât alors qu’elle redoutait d’avoir à lui répondre elle eût voulu qu’il éclairât la pièce alors que s’il le faisait, elle le supplierait de la laisser dans l’ombre.

Aussi, poussée par la curiosité, la nécessité de savoir le besoin de rompre ce silence qui lui pesait tant, elle posa, tout bas, la première question qui lui vint à l’idée :

— C’est vous ?

Me Robert resta interdit. Il était aussi embarassé pour répondre que sa compagne l’eût été. Il ne pouvait pas cependant continuer à garder le silence. Aussi, dit-il à voix basse, lui aussi :

— C’est moi.

Et Jeanne continua, enhardie par le fait que « son mari » n’avait aucun doute.

— Vous avez bien trouvé la porte ouverte ?

— Oui.

— Vraiment, pensait Jeanne, il est de coutume plus loquace. Il est peut-être gêné et ne sait que dire à cette servante… Essayons encore de le faire parler.

Du moment que son compagnon acceptait la conversation ainsi engagée, elle ne redoutait plus qu’il reconnût sa voix.

Et elle en profita pour dire :

— Monsieur… Je vous en supplie… Laissez-moi. Retournez auprès de votre épouse qui vous aime et que nous avons tort de trahir ainsi.

Elle attendit la réponse, se demandant si elle n’en avait pas trop dit, bien qu’elle ait essayé d’imiter un peu Adèle.

La réponse, toujours faite à voix basse, fut aussi brève que les précédentes.

— Non, dit l’homme.

Sans le voir elle se rendit compte qu’il était tout près d’elle.

Allait-il donc la prendre ainsi, sans prononcer une parole nouvelle ?

L’aventure était de plus en plus bizarre.

En effet, le notaire avait opéré de même façon que l’heure d’auparavant auprès de la servante. S’étant dévêtu à tâtons,