Page:Edmond Régnier - Histoire de l'abbaye des Écharlis.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
10
histoire de l'abbaye des écharlis

Villers ou Villare, situé à quinze cents mètres du bourg de Villefranche, écarté et solitaire, est traversé par un ruisseau formé par une excellente fontaine» la fontaine carrelée, qui s’en trouve à un kilomètre. En s’y établissant, les religieux auront de l’eau en abondance, pourront construire un moulin dans l’enceinte du monastère et seront plus au centre de leurs domaines. Guillaume choisit Villare pour l’établissement définitif de l’abbaye et se met aussitôt à la bâtir, sans se douter que ce changement de résidence va soulever de nombreuses difficultés, causer un désastre, occasionner deux procès.

Pour construire leur nouvelle abbaye, les moines, selon la faculté que Vivien leur a accordée, prennent du bois dans la forêt de Wèvre. Mais le fondateur est mort. Son fils, Seguin, très mécontent de voir les moines quitter le domaine donné par son père, leur cherche querelle, prétend que Vivien n’a donné le droit d’usage dans cette forêt qu’aux seuls habitants des Écharlis, et affirme que les religieux, allant demeurer à Villare, n’ont plus ce droit. Il leur défend donc d’y prendre du bois. Les moines disent, au contraire, que Vivien leur a donné le droit d’usage pour eux-mêmes sans autre condition que de ne faire aucun dommage. D’accord avec Séguin, ils demandent à l’archevêque de Sens, Henri, de trancher le différend. Après avoir entendu les deux parties, l’archevêque rend sa sentence vers 1136, en présence d’Hugues, abbé de Pontigny, Étienne, abbé de Fontemoy, Milon, seigneur de Courtenay, Hagan de Malicorne, Séguin le Gros, Jobert de Précy, Séguin Rufin et Landry de Bléneau. Il donne gain de cause aux religieux, déclare qu’ils peuvent, d’après l’acte de fondation, couper et prendre du bois dans la forêt, non seulement pour leur demeure des Écharlis, mais pour toutes leurs propriétés[1].

Cette sentence exaspère Séguin ; il entre dans une violente colère, refuse de se soumettre et, comme les religieux, forts de leur droit, continuent de prendre du bois dans sa forêt, il décide de leur infliger un terrible châtiment» Certain jour, il fait mettre le feu aux bâtiments des Écharlis et les brûlent avec tout ce qu’ils contiennent, « causant ainsi un mal grand et grave ». Aussitôt les moines réclament prompte justice de l’archevêque de Sens, Hugues de Toucy. L’archevêque, malade, charge Hugues, évêque d’Auxerre, de se

  1. Pancarte de fondation.