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histoire de l'abbaye des écharlis

Les trois religieux arrivent aux Écharlis et se mettent au travail sous la conduite d’Étienne qui est ainsi le supérieur de cette petite communauté, le premier abbé du monastère.

Leur existence est d’abord très pénible. Venus dans un pays sauvage et inculte, manquant de tout, ils doivent se construire une demeure, couper les arbres, arracher troncs et racines, convertir les bois en champs et en prés, défoncer les terres pour les ensemencer.

À ces difficultés matérielles s’ajoutent les rigueurs de la règle. Levés à deux heures du matin, ils partagent leur journée entre la prière, le travail et un peu de repos. Ils s’occupent six ou sept heures par jour aux travaux des champs ou à d’autres travaux manuels, Leur vêtement se compose d’une tunique blanche de grosse bure et d’un scapulaire noir sans manche ou coule. Leur nourriture est maigre et grossière, l’usage de la viande n’étant permis qu’en cas de maladie grave. Ils doivent garder un silence perpétuel et ne parler que sur l’ordre de l’abbé. Ils se couchent tout habillés sur un lit de deux planches posées sur des tréteaux, d’une paillasse et d’un traversin.

Cette règle sévère répond plus qu’aucune autre au besoin des âmes du xiie siècle. On est alors animé d’une foi vive, d’un désir ardent de se sanctifier par la prière et la pénitence, ou de s’attirer les bénédictions du ciel par des dons et des fondations. On abandonne parents, situation, fortune, pour se renfermer dans un monastère ou bien Ton donne à une abbaye des terres pour obtenir, par la prière des moines, le secours de Dieu. Par sa vie et ses prédications, saint Bernard (1091-1153), le fondateur de Clairvaux, l’homme le plus éminent de son siècle par sa science, son éloquence, sa sainteté, contribue dans une large mesure à peupler les monastères d’hommes de tout rang, de tout âge, de toute condition.

Il en est des Écharlis comme des autres abbayes.

Aussitôt arrivés, les religieux défrichent et construisent. Un modeste monastère ne tarde pas à s’élever ; des sujets viennent se joindre aux trois premiers moines et de nombreux dons sont faits. Sous Étienne, Séguin de Sens abandonne aux religieux la part de dîmes qu’il perçoit sur leurs biens[1] en présence

  1. Cette donation, ainsi que les suivantes nous sont connues pur la pancarte de fondation, (Arch. de l’Yonne, H 047, liasse.)