Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/106

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taient éperdument l’un après l’autre ; étreintes et baisers superficiels les affolaient au lieu de les soulager. En dépit de la volonté de Flup, les effluves du désir s’échappaient de tout son être robuste. Les regards noyés, la gorge sèche, la femme enveloppée de ces émanations chaudes s’abandonnait, se pâmait dans ses bras et énervée reprochait ce jeu cruel au bien-voulu. Alors furibond, lui-même à bout de contrainte, Flup cherchait à sa promise une de ces rogues et courtes disputes si fréquentes entre amants du peuple ; il la battait, la repoussait loin de lui, craignant de la toucher et même de la voir, prêt à se parjurer. Stratagèmes illusoires, piteuses diversions, les appétences devenaient plus pressantes ; le mal d’amour s’exacerbait.

Un crépuscule de juillet où les foins outraient malicieusement leurs senteurs troublantes, où les sistres des cigales et les flûtes des crapauds accompagnaient la danse des moucherons, ils cheminaient sur la berme du canal de la Campine, s’en revenant du Hibou des Bois, la guinguette adossée aux ruines du vieux donjon de Gallifort et le rendez-vous estival de tous les écots urbains. Ils marchaient très lentement, silencieux, comme oppressés. Devant eux, l’approche de la ville s’annonçait par des cépées de mâts et des flèches d’églises émergeant de derrière la muraille des remparts. Le terme de leur excursion, la navrante quiétude de la campagne plate, la perspective de rentrer dans le pourpris citadin agirent peut-être sur sa sensibilité ? Elle éclata en sanglots, refusa d’avancer, le supplia de la prendre en pitié. Bouleversé lui-même, le fanatique