Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/135

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Celle vente ne rapporte pas moins que celle des petits drapeaux et que les inscriptions dans la confrérie. Souvent un paysan, pieux mais avare, conciliant sa dévotion et sa ladrerie, attend l’heure de la criée pour acheter à vil prix un coq de rebut ; puis, en possession de son offrande, il la dépose dans l’église d’où les fabriciens la retirent pour la vendre une seconde fois et toucher aussi derechef la valeur de la bête. Il n’y a même pas de raison pour que ce manège productif s’arrête à la seconde reprise. C’est simple et excellent comme les vraies manifestations du génie.

Après l’adjudication du dernier ex-voto de basse-cour, les marchands se retirent pour compter la recette ; les portes de l’église se ferment jusqu’aux vêpres et la cohue, tiraillée auparavant entre la partie religieuse et le programme profane de la fête, se livre maintenant sans partage aux distractions foraines.

L’heure de midi a provoqué une reprise dans les affaires des marchands de pain d’épices, de galettes, de « russes » et de saucissons de cheval. Les schols travaillés par les ardeurs printanières répandent leurs relents les plus irrésistibles et les amateurs s’en payent de véritables tranches de kermesse. Des fanfares rurales inaugurent leur « tournée » dans les bons estaminets de l’endroit. Aux « Variétés », dans la salle de bal à l’étage, les citadins s’imposent après la longue marche au soleil, des chassés et des déchassés homœopathiques.

La ville continue de vomir dans Dieghem des tapées de curieux qui à pied, qui en voiture, qui en chemin de fer ; mais les villages cessent d’envoyer des renforts à