Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/154

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pâlissait de plus en plus. Dans ses dispositions d’esprit, il accueillait l’inconnue comme une diversion bienvenue aux pensées moroses qui le bourrelaient tout à l’heure…

— Et comment t’appelle-t-on, fleur de Viersel ?

— Hendrika Let… Rika…

— J’aimai toujours ce nom. C’était celui de ma feu mère… Tes parents habitent-ils loin d’ici ?

— Mes parents ! je ne les connus jamais. Je suis en condition chez boer Davie dont vous voyez la ferme là-bas, à vingt arbalètées, derrière les aulnes…

— Tu ne me demandes pas mon nom, à moi, Rika ?

Elle brûlait de le savoir, ce nom du bienvoulu ; car c’était là le brillant visiteur de la nuit enchantée. Comprimant les battements de son cœur bouleversé, elle feignait de témoigner au cavalier l’indifférence polie qu’une honnête fille montre au passant aimable qui l’accoste sur la grand’route.

— Tu hausses les épaules et fais la moue, Rika ! Que t’importe, n’est-ce pas, le nom d’un soldat, d’un mauvais gars, comme prêche le curé ; d’un dissipateur et d’un dupeur de filles. Eh bien ! apprends-le, malgré toi. Je suis Cornélis Davie, autrement dit Kors. Kors le Noir, actuellement brigadier au 5e d’artillerie, 1re  batterie, caserne au fort IV, à Vieux-Dieu, près d’Anvers. Mais, dans deux mois, je retournerai à Wildonck en congé définitif… et assumerai la direction de la ferme des Cigognes, car le vieux Davie a suffisamment trimé… Alors, Rika, Kors Davie prendra femme… Ne lui recomman-