Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/153

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une jeune fille, assise sur le talus, qui les surveillait, une branche à la main.

Il héla la vachère :

— Hé, Mietje, viens ici !

Elle accourut, franchit lestement l’échalier ; mais arrivée à quelques mètres de l’inconnu, elle s’arrêta, le considéra un moment, puis se couvrit le visage de ses mains et fit mine de rebrousser chemin. En pressant le pas, le soldat prévint ce mouvement ; il la rattrapa et la prit doucement par le bras. Il était intérieurement flatté du trouble qu’il provoquait chez cette jeune paysanne. Muette, aussi rouge que les coquelicots, elle baissait les yeux dont le vert marin s’apercevait entre l’or des cils, et elle s’efforçait de détourner son visage et d’échapper à l’examen du dompteur.

— Peste, la jolie minette ! s’exclama-t-il. Pourrais-tu me dire, la blondine, le nom de la paroisse où poussent de si friandes dirnes ?

— Je suis de Viersel ! répondit-elle d’une voix très faible.

— Nous sommes voisins alors et presque pays, car je demeure à Wildonck, où je me rendais…

— Où vous n’arriverez pas en continuant par ici…

— Parbleu, je ne dis pas non, la belle enfant ! Et il y a un instant, je me traitais d’étourneau pour m’être égaré… Mais maintenant je bénis mon étourderie,…

Elle ne répondit rien à ce madrigal, mais son teint s’empourprait.

Il ne la lâchait pas. L’image de Begga, une image renfrognée et boudeuse à cause de l’aventure du canif,