Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/195

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des imprécations, des blasphèmes, des pleurs de rage, des bruits de têtes et de sabots battant la dalle.

— Cède, crapule, ou nous te mettrons en pièces ! dit le vieux Mollendraf.

— Baise mes couilles !

Et avec l’accent le plus méprisant qu’il trouva, le crâne leur cracha l’obscène et formidable injure.

— Crève alors !

Le massacre recommença.

Le sac de ferrements détaché dans la lutte avait été pillé par les trois égorgeurs. Ils ne gardaient plus aucun ménagement, frappaient pour en finir, à l’aveuglette, avec tout ce qui leur tombait sous la main : outils contondants ou tranchants, chevilles d’assemblage, gouges, compas, crochets, ébauchoir, laceret, tarière, tournevis.

Deux fois encore l’héroïque compagnon était parvenu à se dégager. Il tenait à dire adieu à la traîtresse. Il s’en approcha et lui cria dans la face :

— Toi aussi, baise-les, damnée chienne !

Un coup de poing l’étendit de nouveau par terre.

Alors éperdue, altérée de sang, tous ses rêves de vengeance remontant à son cerveau, Véva se complut dans ce carnage, s’acharna à son tour. Elle le voulait immolé, aboli, l’orgueilleux, le bravache !

Elle se joignit à ses frères, se jeta sur sa proie en poussant des cris grièches. Elle enfonçait les ongles dans les yeux de Marcus, arrachait les mèches frisées de la blonde chevelure si souvent caressée par elle, déchiquetait ces joues qu’elle avait baignées de larmes sup-