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Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/106

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LES FUSILLÉS DE MALINES

l’égoïste et rationnelle pitié des docteurs pour les illuminés et les apôtres. Pas souvent que ces citadins établis, ces boutiquiers, ces fonctionnaires, ces bourgeois mitonnant dans leur bien-être, pactiseraient avec ces meurt-de-faim, ces brûlots, ces pouilleux qui ne risquaient d’autre enjeu dans la partie qu’une existence précaire et que des jours sans pain ! Respectueux du fait accompli, las des aventures, ils estimaient que, régime pour régime, puisqu’il fallait des maîtres autant valait subir des tyrans à peu près repus, que payer de nouvelles contributions de guerre à des libérateurs faméliques et héberger ces pieds poudreux.

Il flottait dans cet air de la ville des miasmes de lâcheté et de compromission.

Et aussi convaincus qu’ils fussent de l’excellence de leur cause, cette hostilité ambiante, cette attitude rétractile de la population ne laissait pas d’énerver ces braves et ferventes âmes. Ils n’avaient point prévu pareil accueil. Ah ! leurs cris patriotiques résonnaient autrement, hier, au village, sous les voûtes de l’église, aux tablées du cabaret, autour du tilleul, sur le