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LES FUSILLÉS DE MALINES

bien, malgré l’abominable foulage, il y a place encore pour livrer passage aux chevaux. Un sillon se creuse à mesure qu’ils avancent de part et d’autre, et, sans trop d’encombre, la cavalerie parvient à réunir ses deux détachements au centre du forum.

Cette manœuvre a même pour effet de leurrer une fois de plus ces milliers de pauvres diables. Ils se ruent vers les débouchés que les dragons semblent leur ouvrir, mais, hélas ! pour rencontrer, de chaque côté, une compagnie de fantassins, qui attendait, masquée par les chevaux, le moment de reprendre la garde pour leur compte. C’en est fait : le blocus est irrémédiablement consommé.

Quelque temps Béguinot, capitaine très anonyme mais bureaucrate fielleux et bravache, s’amuse à entretenir les affres de ces désespérés en commandant des caracoles et des changements de main, sans se soucier de leurs giries et de leurs alertes, ballottant ces chrétiens en peine d’un coin à l’autre de la place, comme s’il manœuvrait dans un manège.