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LES FUSILLÉS DE MALINES

leurs traits et de reproduire leur rôle en ces pages votives.

À cette fin, je ne recourus point à des incantations redoutables. Aux cœurs aimants, l’intensité de la tendresse suffit pour conjurer les élus. Non, j’ai simplement entrepris le pèlerinage aux campagnes qu’ils hantèrent. Là, m’étant imprégné de leur atmosphère natale et de l’immuable mélancolie de leurs garrigues ; convaincu de l’atavisme des terriens autant que de la perpétuité du terroir, j’ai retrouvé la chair de leur chair et le sang de leur sang !

Que de fois, en cette arrière-saison, aux lueurs d’un couchant qui transforme en rubis les améthystes des bruyères, à cette heure humide et crépusculaire, où les voix des angélus prennent de rauques intonations de tocsin, ai-je pressenti l’approche d’une occulte présence, exaspérant encore l’éloquence farouche et la poésie troublante de ce pays suggestif entre tous !

Dédaigneuses du ciel même, les âmes nostalgiques revenaient à leur patrie terrestre et chez un plastique moissonneur,