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LES FUSILLÉS DE MALINES

Bruxelles. Cela devenait si sérieux que Guillot crut devoir dépêcher sur-le-champ un courrier à Duffel. Il allait envoyer un autre homme en observation à Malines.

— Tu dois avoir faim, soif et sommeil ! dit-il affectueusement à l’Oiseleur. Assieds-toi, je vais te faire servir à manger, et tu dormiras ici jusqu’au moment de partir ensemble.

— Une croûte de pain et je suis « bon » encore pour quatre voyages ! fit le courageux brunet. Il ne prétendit pas qu’on lui donnât un remplaçant.

En sortant seul du village, pour son troisième pèlerinage à Malines, il croisa dans l’ombre à l’endroit où il avait rencontré Linette, un couple d’amoureux, étroitement enlacés. Il se rappela le velouté de cette joue fraîche et l’indéfinissable frisson ressenti au contact de ces lèvres ! « C’est ainsi que j’aurais dû la tenir embrassée ! » songea-t-il avec un commencement de contraction du cœur. Jusqu’à présent il ignorait l’amour, et s’était moqué des amoureux, leur trouvant la mine de lunatiques.