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LES FUSILLÉS DE MALINES

jacques et des bagaudes montant à la conquête d’une cité. De temps en temps la musique sommaire entamait des marches sautillantes et pastorales, plutôt enfantines que belliqueuses. Pour suppléer à ce grêle galoubet et à cet anodin tam-tam, les patauds entonnaient à l’unisson une chanson du Schalk. Ou bien ils causaient et riaient aux éclats, comme d’ébaudis familiers de kermesses se racontant leurs escapades et leurs bonnes fortunes. À de courts intervalles ils devenaient subitement graves et taciturnes, détournaient la tête, se mouchaient bruyamment dans leurs doigts et se frottaient les yeux : de la poussière les avait aveuglés, ou une mouche importune leur bourdonnait aux oreilles. « Que peut faire notre Tony à présent ? » disait l’Oiseleur à Chiel le Torse, mais il pensait encore plus à Linette.

Leur peloton grossissait à chaque croisée de chemin. Ces recrues de la dernière heure étaient parties le dimanche de bourgades lointaines, jusque de la banlieue de Bruxelles et de Louvain, sans se préoccu-