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Page:Eekhoud - Raymonne, 1878.djvu/28

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LA COMÉDIE.


Amaury les voyait marcher d’un pas alerte
Comme si d’un instant ils redoutaient la perte,
Fredonnant le refrain d’une vieille chanson,
Les bras ballants tenant l’aiguillon ou la gaule.
Amaury se disait qu’une bonne parole
Eût souvent de ces gens éclairci l’horizon.

Mais qu’avait-il été pour ces hommes fidèles ?
Un fléau destructeur plus dur que vents et grèles.
Quand sa chasse lancée en un train furieux
Sa meute, ses piqueurs, ses compagnons barbares,
Excités aux accords de sauvages fanfares,
Foulaient les moissons d’or, arrêtait-il les yeux
Sur le serf larmoyant qui l’implorait pour elles ?
Non, les ceps mûrissants, les récoltes nouvelles
Ne le regardaient guère ; il eût voulu se voir
Détourner le galop de son palefroi noir
Pour épargner un champ ! — Allons cède la place
Maraud, ou sur ton corps avec mes chiens je passe !

Il songeait, il songeait le seigneur de Gisors
Et son front se courbait sous de nouveaux remords.

— Moi seul je te dépare ici, belle nature
Disait-il, moi, nuisible et lâche créature ! »