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Page:Eekhoud - Raymonne, 1878.djvu/29

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LA COMÉDIE.


Tout à coup il songea qu’une femme dormait
Dans son lit, arrachée à l’homme qu’elle aimait,
Il avait le soir même, ignoble d’atonie,
Abruti par le vin, prolongé l’agonie
De cette pauvre enfant.
De cette pauvre enfant. Dans les jungles parfois
Lorsqu’il s’est abattu sur sa proie éventrée,
Déjà repus, gorgé du sang de la curée,
En entendant passer la gazelle aux abois
Le tigre se redresse, il bondit, il se rue,
Alors n’ayant plus faim c’est par plaisir qu’il tue.
Ainsi fesait Gisors, sans amour, sans désir.
Dans le rapt d’une vierge il cherche le plaisir.
Il ne vit même pas cette tête éplorée
Plus belle que jamais. Dès le matin parée
Pour s’unir à l’époux que choisissait son cœur,
On l’avait à la nuit, à l’heure du voleur,
Lâchement enlevée à sa pauvre chaumière.

Il lui semblait de loin entendre sa prière ;
Puis il voyait aussi le malheureux Huguet
Bâillonné, maintenu, tandis qu’il divaguait,
Fou de douleur, râlant à fendre sa poitrine,
Appelant sur Gisors la vengeance divine,
Criant grâce ou pleurant comme un enfant soumis,
Voulant baiser les pieds de ses vils ennemis !