Page:Eekhoud - Teniers, 1926.djvu/76

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de nos grands morts les plus récents, traita avec une prodigieuse maîtrise : La Tentation de saint Antoine. Teniers y est revenu à plusieurs reprises. Quatre versions remarquables en existent notamment, l’une au Louvre, une autre à Berlin, une autre à Amsterdam, une autre encore à Bruxelles.

Cette dernière est peut-être la meilleure. Elle se déroule dans une caverne aux mystérieuses et troublantes perspectives d’opale et de nacre. L’interprétation du prodige tranche sur celle que nous devons à d’autres visionnaires. Notre ermite paraît bien près de se laisser séduire. Un sourire vaguement affriolé illumine son visage. La tentatrice, drapée dans une ample robe de soie bleue sur laquelle s’exerça la merveilleuse virtuosité du peintre, tourne le dos au spectateur mais écarte sans doute les plis de cette somptueuse tunique pour dévoiler au cénobite des chairs plus soyeuses encore. La proxénète du diable, l’air d’une matrone délurée, chuchote ses boniments à l’oreille du saint. Tandis qu’elle fait l’article, une autre sorcière, une façon d’épouvantail, armée du traditionnel balai, poursuit ses hocus pocus, qu’un apprenti déchiffre dans un grimoire et auxquels des animaux échappés d’une ménagerie d’enfer, monstres