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Page:Eiffel - La tour Eiffel en 1900, 1902.djvu/29

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« La protestation dit que la Tour va écraser de sa grosse masse barbare Notre-Dame, la Sainte-Chapelle, la Tour Saint-Jacques, le Louvre, le dôme des Invalides, l’Arc de Triomphe, tous nos monuments. Que de choses à la fois ! Cela fait sourire, vraiment. Quand on veut admirer Notre-Dame, on va la voir du parvis. En quoi, du Champ-de-Mars, la Tour gênera-t-elle le curieux placé sur le parvis Notre-Dame, qui ne la verra pas ? C’est, d’ailleurs, une des idées les plus fausses, quoique des plus répandues, même parmi les artistes, que celle qui consiste à croire qu’un édifice élevé écrase les constructions environnantes. Regardez si l’Opéra ne paraît pas plus écrasé par les maisons du voisinage qu’il ne les écrase lui-même. Allez au rond-point de l’Étoile, et, parce que l’Arc de Triomphe est grand, les maisons de la place ne vous en paraîtront pas plus petites. Au contraire, les maisons ont bien l’air d’avoir la hauteur qu’elles ont réellement, c’est-à-dire à peu près 15 m, et il faut un effort de l’esprit pour se persuader que l’Arc de Triomphe en mesure 45, c’est-à-dire trois fois plus. En conséquence, il est tout à fait illusoire que la Tour puisse porter préjudice aux autres monuments de Paris ; ce sont là des mots.

« Reste la question d’utilité. Ici, puisque nous quittons le domaine artistique, il me sera bien permis d’opposer à l’opinion des artistes celle du public.

« Je ne crois point faire preuve de vanité en disant que jamais projet n’a été plus populaire ; j’ai tous les jours la preuve qu’il n’y a pas dans Paris de gens, si humbles qu’ils soient, qui nele connaissent et ne s’y intéressent. À l’étranger même, quand il m’arrive de voyager, je suis étonné du retentissement qu’il a eu.

« Quant aux savants, les vrais juges de la question d’utilité, je puis dire qu’ils sont unanimes.

« Non seulement la Tour promet d’intéressantes observations pour l’astronomie, la météorologie et la physique, non seulement elle permettra en temps de guerre de tenir Paris constamment relié au reste de la France, mais elle sera en même temps la preuve éclatante des progrès réalisés en ce siècle par l’art des ingénieurs.

« C’est seulement à notre époque, en ces dernières années, que l’on pouvait dresser des calculs assez sûrs et travailler le fer avec assez de précision pour songer à une aussi gigantesque entreprise.