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Page:Eiffel - La tour Eiffel en 1900, 1902.djvu/31

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par les énormes oscillations que prendrait cette colossale tigede fer sous l’effet des vents.

Ces objections, qui semblent actuellement bien puériles, ne me touchaient guère. Je savais, par mes travaux antérieurs, que, quand il s’agit de constructions métalliques, la science de la Résistance des matériaux est parvenue, de notre temps, à un degré de précision qui permet d’être assuré par le calcul de la détermination des efforts en chaque point de la construction et des résistances qu’on peut leur appliquer. Je savais aussi, par l’expérience acquise aux grands viaducs de Garabit, de la Tardes, etc., que je n’avais eu aucune difficulté à recruter des hommes travaillant à l’aise au-dessus de vides atteignant 125 m, et pour lesquels l’effet de la hauteur était sans conséquence appréciable. Quant aux oscillations, le calcul les montrait si faibles et si lentes que les ouvriers portés par la construction n’en devaient ressentir aucun effet gênant et à peine s’en apercevoir.

J’eus bien davantage à lutter contre cette objection sans cesse renaissante de l’inutilité de la Tour, qui était la tarte à la crème courante. Voici ce que je ne cessais de répéter :

Connue du monde entier, la Tour a frappé l’imagination de tous en leur inspirant le désir de visiter les merveilles de l’Exposition, et il est indiscutable qu’elle a excité une curiosité et un intérêt universels.

Étant la plus saisissante manifestation de l’art des constructions métalliques par lesquelles nos ingénieurs se sont illustrés en Europe, elle est une des formes les plus frappantes de notre génie national moderne.

En dehors de ces premiers résultats, dont l’importance matérielle et morale est capitale dans la circonstance, il n’est pas douteux que les visiteurs qui seront transportés au sommet de la Tour auront un vif plaisir à contempler sans danger, d’une plate-forme solide, le magnitique panorama qui les entourera. À leurs pieds, ils verront la grande ville avec ses innombrables monuments, ses avenues, ses clochers et ses dômes, la Seine qui l’entoure comme un long ruban d’argent ; plus loin, les collines qui lui forment une ceinture verdoyante, et par-dessus ces collines, un immense horizon d’une étendue de 180 km. On aura autour de soi un site d’une beauté incomparable et nouvelle, devant lequel chacun sera vivement impressionné par le sentiment des gran-