vés, ceux qui viennent de dévorer en quatre semaines 6 éditions du nouveau roman d’Ebers, traduit en 6 langues, questionnez-les donc et c’est à peine s’ils pourront vous donner des explications satisfaisantes quant à la différence qui existe entre machen et thun dans leur propre langue maternelle : une preuve que les langues s’apprennent plutôt par la pratique, l’exercice et l’habitude que par leurs règles. C’est du reste une méthode encore employée aujourd’hui dans les écoles juives, et je montrerai plus tard, par quelques exemples empruntés à mes souvenirs de jeunesse, que « grise est toute théorie, vert est l’arbre doré de la vie » — comme dit Gœthe dans son Faust — et qu’un gramme de pratique a plus de valeur qu’un quintal de théorie ! Ceci n’est en somme que le produit de cela, ce qui faisait dire à notre très spirituel philologue Lazare Geiger que les Dakotas n’auraient pas de langue s’ils avaient dû en faire auparavant la grammaire. Gœthe a dit aussi très justement : « Celui que ne connaît pas de langue étrangère, ne connaît pas la sienne » et j’ajouterai à mon tour : Celui qui ne connaît pas la Lingvo du Dr Esperanto ne connaît pas le Volapük de Schleyer, et plus, on s’assimile de langues, plus on est à même de savoir comment l’on doit s’exprimer dans la langue universelle (tutmonda lingvo) pour être compris de tous : On pourra alors se faire une idée de l’utilité, de la nécessité, dirai-je même, d’une langue universelle à notre époque où tous les peuples tendent à s’unir de plus en plus, et c’est pourquoi cette question, dont on n’apprécie malheureusement pas toute l’importance, a besoin d’être discutée et éclaircie. Schleyer, malgré tout son mérite d’avoir ramené d’une façon sérieuse la question d’une langue universelle sur le tapis et de l’avoir conduite en bonne voie s’est beaucoup trop peu occupé de la philosophie de la langue, sans quoi il aurait pu s’épargner comme à ses adeptes une foule de mots qu’il a fabriqués inutilement. Si, en effet, le seul mot faire suffit aux Français pour thun et machen, à plus forte raison un seul mot doit-il suffire à une langue universelle dont le principe fondamental doit être la facilité d’étude ; c’est pourquoi aussi le Dr Esperanto n’a employé pour ces deux mots que le seul mot fari, contrairement à Schleyer, qui éprouve le besoin de traduire ce
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